Caroline Le Cabec et Vivien Streiff : #notaires du Nord

Lundi de fin d’été à Lille, il fait encore très beau et de mon taxi, la ville présente son meilleur visage, sous la lumière encore vive de septembre. Caroline Le Cabec et Vivien Streiff, notaires associés à Condé sur l’Escaut, ont accepté de m’expliquer comment et pourquoi ils sont devenus utilisateurs de Twitter dans le cadre de leur profession.

Elle arrive la première, silhouette élégante, longue et fine dans un tailleur pantalon strict. Lui, en tenue décontractée, jean et baskets, (pas de rendez vous ce lundi matin), a une allure sportive, et un regard sérieux et attentif derrière des petites lunettes métalliques. iIs ont une petite quarantaine tous les deux.

Pourquoi twitter?

Lorsque le projet de Loi Macron commence à pointer dans les journaux, Vivien Streiff éprouve vite, comme nombre de ses confrères, le besoin de s’y opposer. Peu habitué aux réseaux sociaux, Twitter lui semble toutefois le meilleur moyen. Il rejoint donc un mouvement de protestation qui vise à décrire les réalités d’une profession injustement attaquée.

Pour Caroline Le Cabec, c’est plus compliqué, elle se méfie et est plus réticente, mais lorsqu’elle entend un secrétaire d’Etat déclarer à la TV « un pharmacien, on connaît son utilité, un notaire, c’est plus flou…» Piquée par cette déclaration, elle décide, elle aussi de se lancer dans la bataille et commence à Twitter.

Elle n’imaginait pas cela lorsqu’en 2005 elle est diplômée notaire, profession qu’elle choisit, « parce que c’est une profession juridique, non contentieuse qui recherche prioritairement l’accord des parties, (tout en appliquant la loi), en perpétuelle adaptation aux besoins de la société. »

En septembre 2014, on s’aperçoit que le métier est mal connu et souvent caricaturé dans les médias.

Elle se doit de répondre aux messages véhiculant une image désuète, réductrice et caricaturale du notaire dans laquelle elle ne se reconnaît pas du tout, aux contre-vérités concernant l’installation, et les émoluments. Cela ne correspond en rien à la réalité du notariat d’aujourd’hui. Elle n’est pas « fille de » et ne doit sa situation qu’à son travail, et n’a pas eu le sentiment que s’associer au sein d’une étude était une difficulté insurmontable, bien au contraire.

Il faut pouvoir contribuer à répondre instantanément pour tordre le cou aux idées reçues et promouvoir la profession dès qu’une information erronée, volontairement ou non, est diffusée.

« Cela a permis aux notaires utilisateurs de Twitter, de communiquer avec des parlementaires sur des points précis du projet de loi, notamment les tarifs, au-delà des actions menées sur le terrain. »

Vivien.Streiff : « En 2014, on a vraiment débarqué là par hasard, et même découvert que le CSN avait un compte Twitter ».

Aujourd’hui c’est un véritable outil de travail et de communication. Il y avait alors une quinzaine de notaires sur Twitter. Actuellement, j ‘estime à environ 6 % des notaires qui ont un compte, même s’ils ne sont pas forcément actifs.

Nous allons plus volontiers sur Twitter, mon compte Facebook est à destination de ma sphère privée, et Linkedin paraît moins adaptée à une communication collective»

Quotidiennement, de nouveaux notaires investissent Twitter pour délivrer de l’information juridique, il y a une sorte de transition entre la contestation initiale et la nécessité actuelle d’information interactive.

Les deux associés utilisent quotidiennement Twitter pour obtenir l’information juridique dont ils ont besoin, relayer et diffuser une information à leurs abonnés. Ils évoquent la notion de « message collectif » de la profession. Ils peuvent ainsi répondre rapidement aux questions d’ordre juridique. C’est ainsi que le Conseil du Coin a vu le jour pour informer que les notaires assuraient des consultations gratuites au café le samedi matin. Twitter a manifestement permis à ce mouvement, né spontanément, de se faire connaître.

Après la #contestation, puis la défense de la #profession, il fallait y ajouter la diffusion de messages #positifs.

Cela permet un échange d’informations sur des points de droit, précis et dynamique, contrairement à l’information formatée et figée des sites internet. Ce ne sont pas des consultations, mais cela permet de renvoyer immédiatement vers les professionnels ad hoc et d’avoir les bons relais. C’est donc un gain de temps pour l’usager.

On trouve aussi l’information qui nous intéresse en matière juridique sur une réforme, un arrêt de la cour de cassation, en connaissant les professionnels de référence (beaucoup de professeurs de droit ont un compte Twitter).

On s’adresse directement donc aisément à un confrère qu’on n’aurait probablement jamais rencontré.

Cela permet aussi des échanges avec l’ensemble des collaborateurs. Cela réduit les distances. Twitter permet de réduire les freins aux échanges.

La difficulté est le tri nécessaire du flot continu d’informations sur le fil et bien gérer son compte Twitter est chronophage.

Caroline Le Cabec : « J’observe une règle simple : Je ne dis pas sur Twitter ce que je ne dirais pas à mes clients dans mon bureau ».

Vivien Streiff : Il ne faut jamais oublier que twitter est public, que ce que l’on dit nous engage et que nous y agissons en tant qu’officiers publics. C’est le cas des notaires présents sur Twitter, même si parfois, il y a eu des réactions épidermiques compréhensibles face à la déformation de l’image du notaire. Cela n’empêche pas d’avoir chacun sa manière de communiquer et d’être plus ou moins incisif.

On met en jeu sa e-réputation

140 signes, c’est très peu pour faire passer un message, il faut bien le peser. Cela prend du temps, on doit trier les messages, éviter les conversations à n’en plus finir qui provoquent l’arrivée des trolls1. Toujours répondre de manière neutre, ne pas céder aux sirènes de la communication personnelle.

Le CSN rappelle d’ailleurs sur son portail, les bonnes pratiques des réseaux.

Twitter s’adapte bien à l’exigence d’une communication objective et non personnelle. Twitter n’oppose pas les notaires parisiens et ceux de provinces, les grandes études et les petites,

« La profession cultive une discrétion naturelle, » le réseau donnant une image plus conforme de la réalité : profession moderne et solidaire. Un respect mutuel et vis à vis des instances.

Via Twitter, Il est possible de s’exprimer plus spontanément en dehors des cadres formels

L’assemblée de liaison, les réunions d’arrondissement ou les assemblées générales, étaient jusqu’alors les moyens habituels pour un notaire de la base de se faire entendre. Aujourd’hui la parole est spontanée, instantanée. C’est l’un des intérêts des réseaux sociaux. Il ne s’agit pas de se substituer aux instances, on suit leur parole plutôt qu’on ne la précède.

C’est constructif dans les deux sens, les instances peuvent ainsi avoir une image en temps réel, un ressenti des notaires présents sur le réseau, cela permet, pourquoi pas, de faire remonter les difficultés rencontrées, de constater la diversité des études.

Cela a permis aussi de renforcer la solidarité de la profession dans toutes les régions mais aussi au niveau international, Espagne, Portugal, Italie et de constater que la réforme en France préoccupe au-delà de nos frontières.

Véritable changement structurel, tous les jours de nouveaux notaires ouvrent un compte Twitter, le CSN a proposé déjà 2 formations afin de proposer une méthodologie aux nouveaux utilisateurs. Maître Fabienne Magnan, précurseur dans ce domaine a été sollicitée pour animer ces séances.

Cela va imposer naturellement une nouvelle manière de travailler, notamment dans la communication du savoir faire et l’interface avec les clients.

Internet permettra une réponse immédiate répondant à la demande exponentielle de service instantané ; C’est compliqué à mettre en place pour une profession où le dialogue in-situ est primordial.

C’est un nouveau mode de fonctionnement, tout est interdépendant, notamment le site et Twitter, c’est même un véritable enjeu pour la profession, d’autres professions ont, semble-t-il initié ce mouvement. Les sites des notaires sont, en général, beaucoup trop standardisés.

Le recours à des blogs publiés sur Twitter abrités par les sites des offices sur des sujets d’actualités juridiques correspond probablement à une attente des usagers.

On peut aussi poser la question de l’évolution du Conseil dont la délivrance aura sans doute tendance à devenir en partie et très en amont du dossier, dématérialisée

Elle n’est pas voulue absolument par les notaires qui sont attachés au facteur humain, elle correspond plus à une nouvelle forme de « consommation » du conseil. C’est peut être une évolution négative à certains égards, mais c’est un mouvement naturel de la société, avoir une réponse quasiment 24h/24, une disponibilité permanente.

Le notaire doit être de plus en plus présent, Twitter peut aider sur une information d’ordre général mais n’est pas l’espace dédié à la consultation.

La bonne démarche serait d’avoir un compte Twitter pour l’ensemble de l’étude et avoir un « Community Manager »2. On peut imaginer un salarié dédié pour les plus grosses entreprises, ou le notaire lui même pour les plus petites. Ce procédé permet d’uniformiser la communication et peut éviter les erreurs

Dans quelques mois, le compte Twitter s’imposera sans doute dans toutes les études de l’hexagone.

Le phénomène semble d’ailleurs exponentiel. On y trouve tous les profils, il semblerait que la province soit plus massivement représentée et que les notaires Parisiens soient un peu à la traîne…mais ils comblent leur retard… #sourire

La communication sur Twitter a permis de démontrer que le maillage territorial est au cœur du problème de la réforme.

Les notaires prouvent qu’ils savent s’adapter en mettant en place tous les moyens nécessaires à une bonne communication externe

Oui aujourd’hui, grâce à Twitter et aux initiatives qui ont été déclenchées comme par exemple le conseil du coin, l’image auprès du grand public a changé de manière significative, et se rapproche enfin de la réalité.

Elle montre une profession combattive, solidaire et attachée à l’accès au droit pour tous en assurant une mission de service public sur tout le territoire.

Que diriez vous à un très jeune notaire ?

« Rien n’est acquis, il te faudra constamment faire tes preuves mais c’est là, la richesse et la force de notre métier »

On reste optimistes, mais il est difficile de prévoir le notariat de demain sans savoir vraiment vers quoi on nous emmène, puisque aucun décret n’est encore publié.

Même si tous les notaires sont méfiants de cette réforme, la profession trouvera les ressources nécessaires parce qu’elle est forte, solidaire et qu’elle a toujours su répondre aux défis qui lui ont été imposés.

Le gouvernement, en dépit de sa loi, n’atteindra pas les valeurs intrinsèques de notre profession fondées sur la solidarité, la confraternité, et la compétence au service de l’intérêt général.

Caroline Lambert

1. Twitter est un outil de microblogage géré par l’entreprise Twitter Inc. Il permet à un utilisateur d’envoyer gratuitement de brefs messages, appelés tweets, sur internet, par messagerie instantanée ou par SMS. Ces messages sont limités à 140 caractères.
2. Trolls : comptes anonymes qui peuvent être agressifs ou provocateurs

3. Le CM, l’abrégé de Community Manager, est un métier qui consiste à animer et à fédérer des communautés sur Internet pour le compte d’une société, d’une marque, d’une célébrité ou d’une institution. Profondément lié au web 2.0 et au développement des réseaux sociaux, le métier est aujourd’hui encore en évolution. Le cœur de la profession réside dans l’interaction et l’échange avec les internautes (animation, modération) ; mais le gestionnaire de communauté peut occuper des activités diverses selon les contextes.

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